Réal Gagnon, fondateur de Trans-West, a récemment pris position publiquement contre le phénomène des chauffeurs incorporés, dénonçant une pratique qui, selon lui, nuit gravement à l’industrie du camionnage.
Il a vivement critiqué l’inaction du gouvernement fédéral, qui, d’après lui, refuse de « mettre ses culottes » et de réguler cette situation de manière équitable pour tous les transporteurs.
Pour Réal, il est essentiel que les règles soient les mêmes pour tous, afin de ne pas pénaliser les entreprises qui respectent les lois et paient leurs employés de manière juste.
« Le gouvernement fédéral devrait réglementer et mettre des règles égales pour tout le monde. Je ne vais pas en vouloir au gars qui se fait offrir une job et qui n’a pas le choix de l’accepter. Il ne sait pas qu’il y a autre chose, parce que c’est tout ce qu’on lui propose. C’est un problème majeur pour l’industrie », explique-t-il.
Les impacts des chauffeurs incorporés sur l’industrie
Le problème des chauffeurs incorporés, selon Réal, réside dans le fait que ces travailleurs sont souvent contraints d’accepter ce statut, sans en comprendre les implications. Ils ne sont pas conscients des avantages sociaux qu’ils perdent, contrairement à ceux qui sont employés directement par des entreprises comme Trans-West, où les chauffeurs bénéficient de protections telles que les assurances et les avantages sociaux. En effet, le président de Trans-West souligne que pour une entreprise comme la sienne, embaucher des chauffeurs de manière traditionnelle coûte beaucoup plus cher que de travailler avec des chauffeurs incorporés, créant ainsi une compétition déloyale.
En chiffres, il explique qu’un chauffeur incorporé en Ontario coûte en moyenne 56 cents par mile à l’entreprise, tandis que l’embauche d’un chauffeur avec tous les avantages sociaux revient à 90 cents par mile. Cette différence de coût, qui peut atteindre plus de 30 cents par mile, oblige les entreprises respectant les règles à réduire leurs marges de profit ou à perdre des contrats face à des compétiteurs utilisant ces pratiques. Sur 40 millions de miles, une différence de 30 cents par mile représente plusieurs millions de dollars par an, soit plus que le profit réalisé par l’entreprise.
Difficultés économiques pour les entreprises de transport
« Cela affecte notre rentabilité dans ces conditions », déplore-t-il. « Sans profit, il est impossible de financer de nouveaux équipements. Oubliez ça pour les camions, tout le monde le sait, ça coûte entre 220,000 et 250,000 dollars. Les remorques, c’est rendu 100,000 dollars. »
Les entreprises éprouvent des difficultés croissantes à maintenir leurs marges de profit face à ces pratiques déloyales. En raison des coûts élevés pour faire rouler le transport, notamment pour le carburant et les salaires des routiers, il devient de plus en plus difficile de rester compétitif sans compromettre la rentabilité de l’entreprise. Il souligne qu’il faut avoir des résultats financiers solides pour obtenir des financements.
« Si tu finances et que tu n’as pas de résultats, ça ne va pas bien », ajoute Réal.
Il rappelle également que les camions neufs fonctionnent bien les quatre ou cinq premières années, mais qu’à un certain moment, il faut soit les remplacer, soit les réparer. C’est pareil pour les assurances : tout fonctionne bien tant que la fiducie gère efficacement les fonds, mais une rupture dans cette gestion peut entraîner des complications financières pour l’entreprise.
La pression des prix et les compromis dangereux
Le gestionnaire rappelle que cette situation est exacerbée par la compétition féroce dans le secteur du transport. Il a dû ajuster ses prix pour garder certains clients, notamment en baissant ses tarifs jusqu’à 800$ pour un voyage en Californie. Cette pression pour rester compétitif force les transporteurs à faire des compromis dangereux, et il s’inquiète pour l’avenir de l’industrie si rien n’est fait pour réguler les pratiques des chauffeurs incorporés.
Le véritable enjeu est que ces pratiques nuisent non seulement aux entreprises, mais aussi aux chauffeurs eux-mêmes. Réal appelle à une action rapide du gouvernement pour rétablir l’équité et protéger les travailleurs du camionnage.
« Ces gars-là, souvent des immigrants, arrivent ici avec l’espoir de se construire une meilleure vie. Ils passent leur licence, apparemment sans trop de difficulté, signent un papier, et les voilà assis dans un camion. Ça doit être le rêve pour eux autres! Mais avec le temps, ils réalisent que les choses ne balancent pas. J’ai même entendu dire que certains chauffeurs ont dû financer leur propre carburant pour remplir leur camion… Ils finissent avec des factures énormes sur leur carte de crédit, et il n’y a plus rien qui rentre. »
L’un des grands défis de l’industrie est de trouver suffisamment de camionneurs et camionneuses pour opérer les camions. Mais si le gouvernement ne prend pas de mesures rapidement, en Ontario, la seule main-d’œuvre disponible sera composée de chauffeurs incorporés. Même des entreprises solides et viables comme Trans-West pourraient être contraintes de proposer des emplois de chauffeurs inc simplement pour réussir à mettre quelqu’un derrière le volant de leurs camions. Les chauffeurs choisissent souvent d’être incorporés parce qu’ils perçoivent à court terme des avantages financiers, comme une paie nette plus élevée, sans réaliser qu’ils sont perdants.
« Au printemps, nous voulions faire venir 16 chauffeurs dans la région de Brampton. Lors de la formation, leur première question portait sur le fait de savoir s’ils allaient payer de l’impôt ou être incorporés. Nous leur avons expliqué qu’ils devaient payer leurs redevances, et aucun n’est resté. »
Iniquité fiscale entre le Québec et l’Ontario
Au Québec, la grande majorité des entreprises payent toutes leurs charges sociales et impôts de manière transparente, ce qui n’est pas le cas en Ontario. Selon Réal Gagnon, il est essentiel que les décideurs politiques comprennent cette réalité et mettent en place des mesures pour régulariser l’industrie.
Ces pratiques sont tolérées depuis trop longtemps, et Réal estime que les gouvernements ne sont pas suffisamment connectés à la réalité des transporteurs. Il compare la situation à un « cul de sac », où les entreprises respectueuses des lois se retrouvent coincées, incapables de rivaliser avec celles qui bénéficient d’avantages fiscaux. Le gouvernement, selon lui, semble « dormir au gaz » face à ce problème, préférant ignorer l’impact qu’il a sur l’industrie plutôt que de prendre des mesures fermes pour rétablir l’équité. Une histoire de politique?
Le financement avantageux de certains transporteurs
Le financement avantageux que certains transporteurs obtiennent grâce à des réseaux communautaires ou religieux leur permettent d’acheter des camions sans passer par les canaux traditionnels de financement. Cette pratique, souvent non réglementée, crée une situation encore plus difficile pour les entreprises comme Trans-West, qui doivent négocier des prêts avec des institutions financières traditionnelles, soumis à des vérifications rigoureuses.
« En Ontario, c’est comme si on jouait au hockey à quatre contre cinq. Les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde, et ça met l’industrie en otage. Nous, on travaille fort pour ce qu’on a aujourd’hui, mais on ne peut pas continuer comme ça indéfiniment. Il faut que le gouvernement agisse. »
Un appel urgent à des réformes
Réal Gagnon souhaite voir des changements rapides dans les six prochains mois, espérant que le gouvernement prenne enfin les mesures nécessaires pour réguler le modèle des chauffeurs incorporés. Pour lui, il est impératif que tous les transporteurs soient soumis aux mêmes règles, comme dans un match de hockey où toutes les équipes jouent selon les mêmes régulations.
Trans-West : un modèle d’affaires transparent et respectueux de ses routiers
Contrairement aux pratiques des chauffeurs incorporés, où les travailleurs sont souvent laissés sans protections sociales, Trans-West offre un modèle d’affaires transparent et équitable, respectueux des besoins de ses routiers.
Réal Gagnon a toujours su s’adapter aux exigences du transport moderne et à celles de ses employés. Chez Trans-West, le travail en équipe (team driving) permet aux conducteurs de relier rapidement Montréal et la Californie, souvent en seulement cinq jours. Ce système, basé sur la flexibilité et la transparence, a contribué à fidéliser les employés, permettant à l’entreprise de traverser des périodes difficiles, comme la récession, sans perte de personnel. Aujourd’hui, Trans-West poursuit son expansion avec l’ajout prévu de 30 camions et 50 remorques réfrigérées.
Selon le président de l’entreprise, l’un des facteurs qui distinguent Trans-West est sa capacité à s’adapter aux fluctuations du marché. En offrant des conditions de travail flexibles et des avantages sociaux solides, Réal s’assure que chaque conducteur de son entreprise puisse atteindre ses propres objectifs de millage tout en maintenant un haut niveau de satisfaction.
Une vision audacieuse pour l’avenir
« J’ai été élevé dans le camionnage, et je suis fier de ça. J’ai appris beaucoup, et on continue d’apprendre. C’est un marché toujours en évolution, et on ne s’ennuie jamais. J’ai décidé de partir à mon compte pour faire de la Californie, un marché que je voyais comme une opportunité unique. Dans le temps, c’était en grande partie des Américains qui rentraient la Californie, aujourd’hui ce sont des transporteurs Canadiens. »
Animé par cette passion, Réal Gagnon a pris la décision, à l’âge de 18 ou 19 ans, de quitter l’entreprise de transport familiale et de se lancer dans sa propre aventure. Il voulait se spécialiser dans le transport vers la Californie, un marché encore peu exploité par les transporteurs québécois à l’époque. Malgré les réticences de son père, Réal a persisté… et réussi!
Cette audace a permis à Trans-West de devenir un acteur incontournable du transport longue distance, notamment dans le secteur des fruits et légumes.
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Écoutez l’entrevue complète sur les ondes de Truck Stop Québec :
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