Les dispositifs de consignation électronique (DCE) n’ont pas réduit les accidents comme prévu, et leur efficacité reste contestée dans l’industrie du camionnage.
Depuis l’entrée en vigueur des dispositifs de consignation électronique (DCE) au Canada, Transports Canada et d’autres autorités affirment que ces outils ont contribué à améliorer la sécurité dans l’industrie du camionnage. En permettant une consignation automatique et précise des heures de travail, les DCE visent à limiter la fatigue excessive, souvent liée aux accidents dus à des périodes de conduite prolongées. L’objectif principal est de garantir que les chauffeurs respectent les horaires légaux de conduite et de repos pour prévenir les incidents liés à l’épuisement.
La surveillance électronique rend beaucoup plus difficile la falsification des journaux de bord, une pratique courante avec les registres papier. Avant l’introduction des DCE, il était facile de manipuler les fiches journalières, les jeter ou changer de journal de bord, permettant aux conducteurs de dépasser les heures de service autorisées, ce qui augmentait les risques d’accidents. L’implantation des DCE a donc apporté une plus grande transparence et un suivi plus précis des heures de conduite.
Des défis persistent dans le camionnage
Cependant, tous les acteurs de l’industrie ne partagent pas cet optimisme. Certains estiment que les DCE n’ont pas réduit le nombre d’accidents impliquant des camions de manière significative. Des études montrent même une légère augmentation des accidents mortels impliquant des poids lourds, ce qui suscite des doutes sur l’efficacité réelle de ces dispositifs pour améliorer la sécurité.
De plus, les DCE imposent des horaires rigides, ce qui ne tient pas toujours compte des imprévus, tels que la disponibilité des aires de repos. Certains chauffeurs, pour ne pas perdre d’heures précieuses, choisissent de continuer à rouler malgré la fatigue, augmentant ainsi les risques d’accidents. Plutôt que de s’arrêter pour se reposer, ils préfèrent maximiser leur temps de conduite pour éviter les retards et les impacts sur leur vie professionnelle et personnelle.
“Environ 80% des problèmes qu’on a avec les DCE, c’est le chauffeur qui voulait en faire plus et qui a changé ses heures” a expliqué André Tardif, Président de TEC Transport Expert-Conseil sur les ondes de Truck Stop Québec. “Les entreprises nous appellent énormément pour dire qu’elles ne veulent pas renvoyer le chauffeur, mais elles veulent savoir comment gérer la situation. Beaucoup de chauffeurs se mettent off chez le client, en disant qu’ils ne travaillent pas. Mais la loi sur les heures de conduite et de travail est claire : si tu es disponible pour ton employeur et que tu es affecté à des tâches, alors tu es en travail.”
En outre, certains camionneurs ont trouvé des moyens de contourner ces dispositifs en utilisant des comptes fictifs pour prolonger leurs heures de conduite. Même, des transporteurs changeraient des données au DCE pour ajouter des heures de conduite à leurs routiers, afin que ceux-ci travaillent davantage. Bien que cela soit illégal, cela démontre que la technologie seule ne suffit pas à assurer la sécurité si elle n’est pas accompagnée d’une mise en œuvre rigoureuse des régulations.
“Pour les compagnies qui étaient déjà légal sous le ‘log’ papier, le DCE est venu leurs donner des outils supplémentaires pour être plus conforme car ils ont les renseignements en temps réel, mais celles qui jouaient le système avant continue de le contourner car des accès sont données aux responsables des compagnies pour “corriger” les heures, se faisant cela laisse la porte ouverte à la falsification, et nous en constatons tous les jours”, nous explique Jean-Claude Daignault, Président de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec
Un autre problème réside dans le fait que les compagnies locales opérant dans un rayon de moins de 160 km sont exemptées de l’utilisation des DCE, ce qui ouvre la porte à des abus. Par exemple, dans le secteur du déneigement des villes en hiver, les chauffeurs peuvent souvent dépasser les heures de service autorisées sans être surveillés par un dispositif électronique, augmentant ainsi les risques liés à la fatigue.
De nombreuses voix dans l’industrie du camionnage continuent de douter que ces dispositifs soient la solution miracle à tous les problèmes de sécurité. Pour améliorer véritablement la sécurité, il est essentiel de combiner les DCE avec d’autres mesures, telles que la formation continue des conducteurs, l’augmentation des places de stationnement pour les poids lourds, et des conditions de travail plus flexibles. Ces solutions permettraient de réduire la pression sur les chauffeurs et de mieux respecter les périodes de repos obligatoires, diminuant ainsi les risques liés à la fatigue et aux dépassements des heures de service.
La fatigue reste une cause majeure d’accidents chez les camionneurs, selon le Conseil canadien de la sécurité, exacerbée par les longues heures de conduite, malgré les régulations strictes des heures de service. La pression de respecter les délais reste un facteur critique.