Alors que les discussions continuent entre l’Association du camionnage du Québec, un regroupement d’entreprises de camionnage québécois et les instances gouvernementales, le modèle controversé “Chauffeur Inc.” continue de susciter des inquiétudes.
Jean-François Pagé, Vice-Président Exécutif de Transport Hervé Lemieux, a partagé son point de vue sur les impacts de ce modèle sur l’industrie et sur les entreprises qui respectent les normes légales. Jean-François Pagé explique les conséquences directes de cette pratique :
« L’impact à court, moyen et long terme, c’est que les entreprises qui fonctionnent légalement vont perdre du volume au détriment de ces gens-là, parce que les entreprises qui fonctionnent sur le modèle de chauffeur inc sont capables d’avoir des prix qui sont beaucoup plus bas que les nôtres. On est incapable de compétitionner avec eux, ils ont des marges qui sont beaucoup plus grandes que les nôtres en ne payant pas toutes les redevances qu’elles devraient payer au gouvernement. Et elles n’agissent pas en entreprises responsables, qui ne forment pas bien leurs employés, elles n’ont pas de responsabilités à ce niveau-là… »
Ce modèle est souvent mal compris par le public, qui peut confondre les chauffeurs inc avec les brokers (voituriers-remorqueurs). Cependant, Jean-François Pagé précise la différence :
« Un chauffeur inc, c’est une personne qui est un employé déguisé. Cette personne-là n’a pas son véhicule, ne fournit pas ses outils de travail, cette personne-là n’a pas de risques d’affaire non plus, donc elle est vraiment au même titre qu’un autre employé, qu’un autre chauffeur. Cette personne-là aussi ne paye pas son carburant, ne paye pas ses assurances, c’est vraiment un employé… La seule différence qu’il y a entre un chauffeur incorporé et un employé salarié, c’est la méthode de rémunération. »
« Il faut vraiment faire attention de ne pas les confondre avec les voituriers qui sont propriétaires de leur camion, qui doivent payer les réparations sur leur camion, qui ont un risque d’affaire et qui ont une indépendance aussi, qui peuvent aller travailler à gauche et à droite, tandis qu’un chauffeur incorporé va travailler principalement pour le même employeur en tout temps. »
Derrière ce modèle se cachent également des enjeux fiscaux et sociaux non négligeables. Ces chauffeurs n’ont pas accès aux protections sociales habituelles, comme les journées de maladie ou d’autres bénéfices. Les entreprises utilisant ce modèle se placent ainsi dans une position de concurrence déloyale, pouvant même mener à l’exploitation des travailleurs. La question est de savoir combien de temps le secteur pourra supporter cette situation avant que des mesures ne soient mises en place pour restaurer une concurrence équitable dans l’industrie du camionnage.