L’industrie du camionnage et les fabricants de camions traversent un début d’année 2025 difficile, et les indicateurs ne laissent rien présager de rassurant pour les mois à venir. En plus des défis liés à l’inflation, aux taux d’intérêt élevés et à la baisse de la demande de transport, les fabricants de camions doivent désormais composer avec l’ombre menaçante des tarifs douaniers.
Une combinaison de facteurs qui ralentit les ventes et met en péril des milliers d’emplois dans le secteur du transport, tant au Canada qu’aux États-Unis.
L’usine Paccar de Sainte-Thérèse au cœur de la tourmente
Alors que l’industrie du transport routier tente de composer avec une conjoncture économique déjà complexe, les tarifs douaniers de 25% sur les produits canadiens viennent ajouter une pression supplémentaire sur les fabricants de camions, particulièrement au Québec. L’usine Paccar de Sainte-Thérèse, qui assemble des camions Peterbilt et Kenworth de classe 7, se retrouve en pleine tourmente.
Avec près de 1,200 emplois en jeu et une production dont 97% est destinée au marché américain, les impacts de ces mesures protectionnistes pourraient s’avérer catastrophiques. Depuis l’annonce des nouveaux tarifs, l’incertitude règne dans cette usine unique au Canada.
Les effets se sont fait sentir rapidement. Dès l’application initiale des tarifs, les livraisons de camions vers les États-Unis ont été interrompues, paralysant temporairement la chaîne logistique. Même si un report a été annoncé, la menace plane toujours pour le mois d’avril. Des travailleurs craignent que certaines usines américaines de Paccar prennent le relais, réduisant ainsi la production au Québec si les tarifs deviennent réalité.
Une pression sur l’ensemble du marché nord-américain
Les conséquences du climat économique difficile se faisait déjà sentir dans l’industrie. Selon ACT Research, cité par TruckNews.com, les commandes de camions de classe 8 ont chuté à 12,300 unités en janvier 2025, soit le mois de janvier le plus faible depuis 2016, avec une baisse d’environ 40% par rapport à janvier 2024.
Cette diminution s’explique principalement par la faiblesse persistante de la demande de transport, la surcapacité du marché, la hausse des taux d’intérêt et l’inflation, selon les analystes. Toutefois, l’ajout imminent de nouveaux tarifs douaniers entre le Canada et les États-Unis vient aggraver cette conjoncture déjà fragile, créant un climat d’incertitude qui pourrait pousser encore plus d’acheteurs à reporter leurs acquisitions.
Les principaux fabricants — Freightliner, Peterbilt, Kenworth, Volvo, Mack — sont tous touchés par ce ralentissement, et plusieurs observateurs craignent que l’effet combiné des conditions économiques difficiles et des politiques commerciales protectionnistes freine davantage la reprise attendue du marché.
Des hausses de prix pouvant atteindre 35,000$ par camion
L’impact des tarifs n’est pas anodin. Selon Chris Spear, président de l’American Trucking Associations (ATA), les tarifs pourraient faire grimper le prix d’un camion neuf de jusqu’à 35,000$ US, ce qui serait tout simplement hors de portée pour plusieurs petits transporteurs, et un fardeau financier important pour les grandes flottes.
Cette pression se répercuterait aussi sur les coûts d’exploitation et, ultimement, sur les prix payés par les consommateurs. Mack Trucks et Volvo Trucks North America ont d’ailleurs reconnu que l’industrie devrait inévitablement refiler une partie de ces coûts aux clients.
Les impacts ne se limitent pas aux coûts d’acquisition. Comme l’indique une étude de S&P Global Mobility, les tarifs douaniers risquent aussi de perturber les chaînes d’approvisionnement, allongeant les délais de production, créant des pénuries de pièces, et mettant de la pression sur les services d’entretien des flottes.
Certains composants de camions traversent les frontières à plusieurs reprises avant l’assemblage final, ce qui accentue la vulnérabilité du secteur à tout changement tarifaire. Dans ces cas, chaque passage peut entraîner une nouvelle imposition de tarifs, faisant grimper le coût total bien au-delà du 25% initialement prévu, et amplifiant les effets économiques sur le prix final du camion.
Un tiers des ventes de véhicules commerciaux affecté
Toujours selon S&P Global Mobility, les nouveaux tarifs toucheraient jusqu’à un tiers des ventes de véhicules commerciaux aux États-Unis, incluant les camions de classes 4 à 8. Dans le segment des camions lourds de classe 8, plus de 40% des unités vendues aux États-Unis sont importées du Canada ou du Mexique.
L’étude estime que les tarifs pourraient entraîner une hausse moyenne de 9% du prix des camions et une baisse de la demande allant jusqu’à 17% d’ici la fin de l’année 2025, si les tarifs restent en vigueur.
Un avenir incertain pour les investissements
L’incertitude économique force également la mise sur pause de projets d’envergure, comme celui de l’agrandissement de l’usine de Sainte-Thérèse pour produire une nouvelle gamme de camions électriques. Un projet de dizaines de millions de dollars qui devait renforcer la position du Québec dans la transition énergétique du transport lourd. À ce jour, l’usine fonctionne à capacité réduite, sur quatre jours par semaine, et l’avenir reste incertain pour des centaines de travailleurs.
Sans solution concrète ni soutien politique plus robuste, le risque de voir une partie de la production migrer aux États-Unis est bien réel. Et pour l’industrie du camionnage, ce climat d’instabilité risque de freiner encore davantage un redémarrage pourtant tant attendu.
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