Face aux récentes tensions commerciales avec les États-Unis, les premiers ministres du Canada ont pris position en faveur d’un plan d’action pour améliorer le commerce intérieur. Lors d’une rencontre avec le premier ministre Justin Trudeau, ils ont convenu de mesures concrètes pour faciliter le commerce et l’accès aux services entre les provinces.
Cette démarche vise à devenir plus indépendant des États-Unis, soutenir les travailleurs et les entreprises canadiennes tout en réduisant les coûts pour les consommateurs.
Mobilité de la main-d’œuvre : une priorité
Les premiers ministres veulent simplifier le processus pour que les travailleurs qualifiés puissent exercer leur métier n’importe où au Canada, sans avoir à refaire des démarches compliquées d’accréditation. Actuellement, certaines professions exigent de passer des tests ou d’obtenir de nouvelles autorisations lorsqu’on change de province, ce qui peut ralentir l’embauche et compliquer la vie des travailleurs. L’objectif est donc d’avoir une reconnaissance automatique des compétences entre les provinces et territoires.
Le Québec, en raison de la langue et de certaines particularités, appliquera ses propres règles pour reconnaître ces compétences, mais il est d’accord avec l’idée générale de faciliter la mobilité des travailleurs.
Pour rendre le tout plus rapide et efficace, un plan devra être proposé d’ici le 1er juin 2025 afin de fixer un délai maximum de 30 jours pour reconnaître officiellement les qualifications professionnelles, permettant ainsi aux travailleurs de commencer leur nouvel emploi sans longues attentes.
Réduction des barrières au commerce intérieur
L’Accord de libre-échange canadien (ALEC), en vigueur depuis 2017, a déjà permis de faciliter les échanges entre provinces et territoires. Toutefois, plusieurs barrières subsistent, notamment en ce qui concerne les réglementations propres à chaque juridiction. Les premiers ministres ont convenu d’un examen approfondi de ces restrictions et de la suppression progressive des exceptions limitant l’accès au marché canadien.
Un projet pilote a été mis en place dans le secteur du camionnage pour uniformiser les règles entre les provinces, notamment sur certains aspects comme les équipements et la formation. Les résultats ayant été positifs, selon les gouvernements, ils veulent maintenant appliquer ce principe à d’autres produits de consommation.
L’objectif est qu’un produit vendu légalement dans une province puisse être vendu dans une autre sans devoir respecter des règlements différents ou passer par des démarches administratives supplémentaires. Cela devrait simplifier la vie des entreprises et des consommateurs. Un plan d’action pour harmoniser ces réglementations sera présenté d’ici le 31 mars 2025.
Un marché intérieur plus ouvert
Parmi les mesures discutées, la vente directe de produits alcoolisés canadiens aux consommateurs, peu importe leur province de résidence, constitue une avancée significative. Actuellement, certaines provinces, comme la Colombie-Britannique et le Manitoba, permettent déjà aux producteurs de vendre directement aux consommateurs sans passer par un intermédiaire, mais ce n’est pas le cas partout. L’objectif est que les Canadiens puissent acheter du vin, de la bière ou des spiritueux directement auprès des vignobles, microbrasseries et distilleries d’autres provinces et se les faire livrer, sans être limités par des règlements provinciaux qui les obligent à passer par des sociétés d’État comme la SAQ ou la LCBO.
Vers une plus grande collaboration entre les provinces
Le commerce intérieur représente près de 20% du PIB canadien, avec des échanges interprovinciaux totalisant plus de 530 milliards de dollars en 2024. Selon les estimations, la réduction des obstacles au commerce intérieur pourrait injecter jusqu’à 200 milliards de dollars dans l’économie canadienne, générant ainsi des gains de productivité et une baisse des coûts pour les consommateurs.
Les premiers ministres ont réaffirmé leur engagement à travailler ensemble pour mettre en œuvre ces réformes et faire en sorte que le commerce intérieur devienne un véritable levier de croissance pour le Canada. Avec une approche concertée, qualifiée d’« Équipe Canada », ils entendent soutenir les entreprises et les travailleurs canadiens face aux défis économiques actuels.
Dans un contexte mondial incertain, cette initiative vise à consolider un marché intérieur solide, capable d’offrir plus d’opportunités aux entreprises canadiennes et d’assurer une croissance économique durable.
Aller plus loin pour renforcer l’économie
Bien que ces mesures marquent une avancée importante, d’autres enjeux demeurent. Parmi eux, la lutte contre l’évitement fiscal lié au phénomène des chauffeurs incorporés représente une opportunité majeure pour récupérer des fonds essentiels à l’économie canadienne. Selon l’Association du camionnage du Québec (ACQ) et l’Alliance canadienne du camionnage (ACC), cette pratique entraîne des pertes fiscales estimées entre 1 et 3 milliards de dollars par année pour les gouvernements fédéral et provinciaux.
En s’attaquant à ces stratagèmes, les gouvernements pourraient non seulement récupérer des sommes considérables, mais aussi assurer des conditions de concurrence justes pour l’ensemble de l’industrie du transport. Il ne s’agit plus seulement de mieux encadrer ces pratiques, mais de les éliminer définitivement. Le recours aux chauffeurs incorporés détourne des milliards de dollars chaque année et fragilise les entreprises qui respectent les règles.