En conférence de presse aujourd’hui, le premier ministre du Québec François Legault signale qu’il y a de plus en plus de transmission communautaire de la Covid-19. Même si le Québec n’est pas encore rendu à une étape inquiétante de la propagation du nouveau coronavirus, il appelle les Québécois à la vigilance et c’est pourquoi au début des semaines de la construction, le port du masque ou du couvre-visage sera obligatoire dans tous les lieux publics fermés du Québec.

Alors que cette obligation suscite de vives réactions chez plusieurs personnes, pour Pierre Bernier, il est devenu évident qu’il faut se protéger et éviter le plus possible de contracter la Covid-19. Camionneur, il a affronté la maladie et bien qu’il s’en sorte sans séquelle, il partage avec nous son expérience, mettant en évidence les problématiques que le virus peut causer à la santé, mais aussi, aux finances!

Routier Californie, Pierre a contracté le virus à la fin du mois d’avril. Il ressentait un picotement à la gorge, sans plus, ne pensant jamais avoir contracté la maladie. Les premiers jours étaient assez banals, mais c’est à la cinquième journée qu’il a compris la brutalité du nouveau coronavirus sur sa santé.

« Je faisais de la fièvre et j’étais réellement faible, je suis tombé environ à 50% de ma capacité habituelle. Je montais un escalier et rendu en haut, j’étais trempé de sueurs… » nous explique-t-il. « J’ai contaminé mon coéquipier, même si on faisait déjà très attention. On nettoyait tout dans le camion, on se désinfectait les mains régulièrement, sans savoir, et il a contracté le virus. Il a été atteint beaucoup plus fort que moi, et pourtant, il était en bonne santé, alors que moi, j’ai des problèmes pulmonaires. »
« Je crois que j’ai dû attraper le virus quand je suis allé au guichet automatique. Je n’avais pas de désinfectant avec moi, je me suis dit que j’allais me laver les mains à la maison, mais j’ai peut-être oublié, ou j’ai peut-être mis mes mains dans mon visage… Mais, je trouve ça important de mentionner que je n’ai pas eu le virus aux États-Unis, je l’ai contracté à Québec, même si mes symptômes se sont manifestés sur la route. »
« Je ne crois pas que les camionneurs soient des vecteurs plus importants du virus que la population québécoise en général. Les règles sont strictes, que ce soit à la douane ou ailleurs, et nous faisons très attention pour ne pas propager le virus… »

Pierre et son coéquipier étaient très contents lorsqu’ils sont rentrés de voyage, étant tous les deux exténués. À son retour, Pierre a pris rendez-vous dans une clinique de dépistage en téléphonant au numéro dédié à la Covid-19, et il s’est présenté à la clinique à l’auto à la place Fleur-de-Lys. Bien organisés et munis d’équipement spécial, les gens sur place lui ont fait passer le test et il s’est avéré positif.

« En revenant de notre voyage de camion, on a laissé l’équipement et tous les documents de voyage tels quels. On n’est pas rentré à l’intérieur, on est parti directement et la compagnie s’est chargée de tout désinfecter. En fait, ils ont désinfecté le camion trois fois! »
« Pour ma part, j’ai été malade pendant environ 12 jours, et j’ai été libéré le 11 mai. Mon garçon, qui reste avec moi, ne l’a pas contracté, mais il a été confiné avec moi pour ne pas contaminer des gens sur sa base, il est dans l’armée. Je nettoyais absolument tout ce que je touchais, même la bouteille de lait, on a fait très attention. »

Quand Pierre a reçu l’autorisation de reprendre la route, il a dû quitter sans son partenaire. Son coéquipier n’est revenu au travail que le 12 juin, et garde encore des séquelles de la Covid-19.

« Même si tu es dans la quarantaine ou dans la cinquantaine et même si tu es en forme, tu peux être malade comme un chien. Dans son cas, c’est comme si le virus s’était attaqué à son cerveau. Quand tu ne sais plus si tu avances ou recules, que tu es fatigué à l’extrême, que tu dois dormir plus du ¾ de ta journée, c’est vraiment sérieux. Dans mon cas, au lever le matin, je devais nettoyer mes draps parce qu’ils étaient tout trempes. Je me faisais à déjeuner, et ça prenait vraiment tout mon petit change. Ce que lui a vécu, c’était l’enfer. »

Bien que Pierre soit en faveur des mesures sanitaires, il déplore le manque de consistance dans les mesures d’un état à l’autre, d’un client à l’autre.

« Par exemple, en Californie, il te demande de porter un masque. Tu arrives chez le client, qui te demande d’utiliser ton propre crayon, mais la personne à la réception prend mon permis de conduire et le touche avec ses mains. Quand j’ai fait le dépistage, ils n’ont jamais touché à ma carte d’assurance-maladie, ils l’ont mis dans un sac! » raconte-t-il. « Il y a des états qui obligent le port du masque, d’autres non. Dans le Michigan, c’est 500$ d’amende si on ne respecte pas les mesures. C’est deux poids, deux mesures d’un endroit à l’autre… C’est compliqué! »

Quoi qu’il en soit, Pierre croit qu’il est important de suivre les mesures sanitaires en place. Même s’il a déjà contracté le virus, il continue de faire attention, pour les autres.

« Le but de partager mon expérience, c’est de rappeler aux gens l’importance de se laver les mains, et de porter un masque. Même si je m’en suis bien sorti, j’ai été chanceux d’être capable de faire mes paiements, de payer mon hypothèque, parce que le virus implique un long arrêt de travail. Ceux qui arrivent kif-kif de paye en paye, oubliez ça… »
« Je pense qu’éventuellement, la charge virale sera moins importante, et ça deviendra comme une petite grippe. Mais, ce n’est pas le cas pour l’instant, pas pour tout le monde, donc faisons attention! »

L’entreprise pour laquelle Pierre travaille ne compte que deux autres cas d’infection sur près de 500 chauffeurs. Il est heureux de nous indiquer que la société fait tout en son possible pour limiter la propagation du virus et que la situation est prise au sérieux.

L’obligation de porter le masque ou le couvre-visage dans les lieux publics fermés du Québec entrera en vigueur samedi prochain, le 18 juillet 2020. Rappelons que ceux-ci ne protègent pas complètement les gens qui les portent, mais ils peuvent réduire les risques de contamination à près de 5% si les autres les portent aussi. Le port du masque ou du couvre-visage permet de retenir les particules rejetées dans l’air en expirant, parlant, toussant… et crée donc une barrière supplémentaire au virus si vous en étiez porteur.

Le port du masque ou du couvre-visage pourrait permettre à la population de continuer à sortir et dépenser, tout en survivant au virus, physiquement et financièrement…

Il demeure difficile de comprendre pourquoi certaines personnes semblent plus affectées par la Covid-19 que d’autres. Pendant que des gens ressentent peu ou pas de symptômes, d’autres, relativement en bonne santé, sont pleinement touchés, et certains y laissent leur vie. Rappelons que la communauté des camionneurs a perdu au moins deux de ses importants membres en raison de la Covid-19, Yves Labelle et Dan Picard.

Nous ne les oublierons pas.

Nous remercions Pierre Bernier de nous avoir offert son témoignage.

Ann Sophie Jacob, rédactrice en chef