NouvellesRoutier professionnel, un métier dangereux?

Routier professionnel, un métier dangereux?

De plus en plus de transporteurs adhèrent à des technologies permettant d’augmenter la sécurité des routiers et des cargaisons sur les routes. Les meilleurs propriétaires de flotte investissent de l’argent dans la gestion des risques et mettent en place des stratégies de prévention des accidents. Les entreprises font de plus en plus de sensibilisation concernant les distractions au volant et les réglementations sont de plus en plus sévères.

Pourtant, selon le Bureau du Travail des États-Unis, les statistiques démontrent que le nombre de décès des camionneurs en poste a augmenté de 6,6% en 2017. Il aurait d’ailleurs augmenté de 25% au cours des 5 dernières années. C’est 840 routiers professionnels en service qui ont perdu la vie sur les routes américaines en 2017. C’est 6 fois plus que chez les forces policières pour la même année. Sur une période de 5 ans en Ontario, ce sont 44 camionneurs en service qui ont perdu la vie. Au Québec, ces décès ont doublé en 3 ans. Je suis renversée de lire ces chiffres malgré tous les efforts qui sont mis en place. Et si on se disait les vraies choses?

 « La tendance de la majorité des gens est de croire, malheureusement, que la faute revient aux routiers, plutôt qu’aux conditions difficiles, stressantes, sous payées et dépouillées de sommeil sous lesquelles ils doivent conduire » dit Ed Finn, journaliste canadien du commerce. « Les automobilistes doivent partager des routes de plus en plus fréquentées et avec davantage de véhicules lourds, beau temps mauvais temps, à toute heure du jour et de la nuit. La nécessité d’améliorer la sécurité routière en tenant compte de ces conditions de conduite devrait être évidente pour les autorités responsables des transports, mais ce n’est apparemment pas le cas. »

Quand est-ce que nous comprendrons que la sécurité routière liée aux véhicules lourds n’est pas seulement la responsabilité des routiers, mais celle de tous! Je répète, la sécurité routière est l’affaire de tous! Je crois que les choses pourront changer seulement lorsque nous serons tous prêts à enfin prendre notre part de responsabilité…

C’est l’affaire de l’automobiliste qui coupe un poids lourd pour ensuite freiner et tourner à droite dans une zone de 70 km/h. C’est l’affaire des travailleurs de la sécurité publique qui créent un trafic important et brusque dans des zones achalandées quand ils procèdent à l’interception d’un véhicule en bordure de route. C’est l’affaire des travailleurs de la construction, qui doivent mettre la signalisation nécessaire pour aviser de l’approche d’un chantier. C’est l’affaire d’un répartiteur qui reste sourd quand son routier lui dit qu’il ne peut pas faire sa dernière livraison parce qu’il est fatigué… Nous avons tous un rôle à jouer pour améliorer la sécurité et prévenir les accidents!

Quand on roule à 100 km/h sur l’autoroute et que sans raisons apparentes, la circulation s’immobilise soudainement. Quand on est coincé dans les travaux de Montréal et que l’agressivité monte, parce qu’aucun foutu feu de circulation n’a été synchronisé dans des chantiers qui sont devenus permanents. Quand le système de transport en commun n’est pas assez efficace et coûte trop cher pour le service qu’il offre, et n’arrive pas à mieux désengorger le réseau routier, qui, selon la population, compte trop de camions. Utiliser un véhicule lourd pour transporter la marchandise que nous consommons dans nos foyers n’est pourtant pas un choix. Les biens, la nourriture, les matériaux doivent se rendre aux entrepôts, en magasins, dans les hôpitaux…

Et oui, c’est aussi l’affaire du routier qui colle une voiture dans le derrière parce qu’il est frustré, et qu’il oublie que devant lui, une vie est bien plus importante qu’un retard. Mais, la vie va si vite pour tout le monde…

La vie va si vite que dans plusieurs secteurs, les gens roulent 80 km/h dans des zones de 50 pour arriver plus tôt à la maison. Vite, la garderie! Il y a maintenant des frais quand des parents arrivent en retard pour récupérer leurs petits. Mais, ces mêmes personnes sont en colère quand ils se trouvent derrière un camion qui tente de dépasser un autre camion sur l’autoroute à 105 km/h (vitesse qui est déjà au-delà de la limite permise), parce que le camionneur aussi a hâte d’arriver à la maison. Un bel exemple, d’ailleurs, d’une restriction qui ne nous sert pas toujours.

Les camionneurs aussi ont le droit d’être en colère. Le ministère dit que le limiteur de vitesse sur les camions améliore la sécurité parce que la vitesse, pour reprendre ses mots :

  • accroît le sentiment d’insécurité chez tous les utilisateurs du réseau routier;
  • induit un stress important qui entraîne une fatigue ainsi qu’une perte de vigilance ;
  • plus la vitesse est élevée, plus le champ visuel se rétrécit;
  • une vitesse excessive rend le changement de trajectoire et la maîtrise du véhicule plus difficiles;
  • la distance d’arrêt augmente avec la vitesse ;
  • en cas de collision, plus la vitesse est élevée, plus grands seront le choc et les conséquences qui s’ensuivent.

Si c’est vrai que la sécurité est si importante pour le ministère, pourquoi les autobus qui transportent des vies humaines ne sont-ils pas barrés aussi!?

Comment est-ce possible que, par exemple, un automobiliste qui a une classe 5 et qui a eu 4 accidents en 18 mois avec sa voiture, soit autorisé à conduire un VR de type A (40 pieds) sans aucune formation ou classe spéciale sur son permis? Peut-être que les véhicules récréatifs sont assez payants pour que le ministère n’impose pas de restrictions. Après tout, ce n’est pas lui qui se fait couper à la fin d’une zone de dépassement par un véhicule récréatif de type autobus, dans le nord de l’Ontario. Ce sont les camionneurs, au volant d’un mastodonte de parfois plus de 80,000 lbs.

Les lois sont de plus en plus restrictives, mais se soucient-elles vraiment des besoins des routiers? Ont-elles été mises en place par des gens qui ont travaillé sur le terrain? Parlons des heures de sommeil et de travail des routiers. Comment est-il possible pour un gouvernement d’instaurer des lois sans tenir compte des besoins individuels des gens qui conduisent les véhicules? Le sommeil est un besoin vital pour l’humain, et il se doit d’être pris sans restrictions, au moment le plus opportun pour le routier dans son cycle de travail qui peut atteindre 70 heures dans une semaine.

Si c’est vrai que chaque humain a des besoins différents, comment est-ce qu’une seule loi peut répondre aux besoins de sommeil de chacun, chacun vivant à lui seul une multitude de situations différentes au cours de son voyage en camion, sans compter les complications possibles liées à sa santé? Une loi pour limiter les heures de conduite et de travail, oui, mais une loi pour dire à une personne quand conduire, et quand dormir? Comme le dit l’expression populaire : « Trop, c’est comme pas assez! »

L’article choc paru dans le média trucks.com fait mention des problèmes de drogue qui affectent l’industrie du camionnage. Selon les données du Bureau du Travail des États-Unis, les décès liés à la drogue non médicinale et à l’alcool auraient augmenté de 25% chez les camionneurs en travail. On peut s’attendre à des statistiques semblables ici aussi. Est-ce que les alcootests et les tests de dépistage de drogues devraient être obligatoires chez les transporteurs, même si ceux-ci n’offrent pas de services transfrontaliers?

Devrions-nous mettre en place des programmes d’aide et de prévention chez les camionneurs? À mon avis, c’est un problème qui est généralisé dans la population. À force d’attendre pour obtenir de l’aide, de chercher et d’attendre indéfiniment pour obtenir les bonnes ressources, les gens finissent par se tourner vers d’autres moyens plus accessibles. J’ai été placé sur une liste d’attente pour parler avec un psychologue il y a de ça 8 ans. J’attends toujours! Heureusement, j’ai trouvé d’autres ressources saines. Mais, je crois que les transporteurs auraient beaucoup à gagner en offrant des services d’aide confidentiels à leurs employés. Quand on regarde le nombre de personnes sur antidépresseurs au Québec, on comprend bien que nous avons un sérieux problème de société.

Selon ce même média, la distraction au volant, la vitesse excessive et le refus du port de la ceinture de sécurité sont en cause dans un bon nombre de décès chez les camionneurs, tout comme chez les automobilistes. Les usagers de la route reconnus coupables de texto au volant ont quintuplé ces dernières années au Québec, et d’ailleurs, les distractions au volant sont devenues la cause principale d’accidents et de décès sur les routes nord-américaines.

Toutes les entreprises se doivent aujourd’hui d’avoir une politique sévère en matière de distractions au volant, au même titre que les pénalités qui sont desservie par les différentes autorités policières canadiennes et américaines. Vous trouvez ça cool que votre employeur ferme les yeux sur l’utilisation des appareils électroniques au volant? En mai 2012 au Texas, un jury a octroyé 21 millions de dollars en dommage et intérêts à une femme qui s’est fait frapper par un camion de Coca-Cola, alors que le conducteur parlait au téléphone au moment de l’accident. Visiblement, il est dans le plus grand intérêt des transporteurs de prendre ces risques au sérieux, parce que c’est la sécurité de l’entreprise et de tous ses employés qui est en jeu. Comment une petite entreprise du Québec ferait pour absorber de tels coûts?

Il est grand temps de dire non aux textos, au photos, aux vidéos au volant et surtout, d’arrêter de banaliser la situation. Arrêtons de justifier ce comportement qui peut enlever des vies et assumons pleinement nos responsabilités en tant que conducteurs routiers, d’automobiles et/ou de camions! Non, ce n’est pas cool de texter au volant, de danser à côté de sa voiture qui roule, de faire des vidéos tout en roulant… La planète égo, c’est zéro! Revenez sur la planète terre!

Pour terminer sur une note plus encourageante, le Québec et l’Ontario font partie des provinces où le taux de décès causé par les accidents routiers est le plus faible, selon les statistiques du gouvernement canadien.

De plus, nous voyons aujourd’hui davantage d’entreprises offrir aux routiers de meilleures conditions de travail pour améliorer le taux de rétention de leur société, et alléger les coûts de recrutement, de formation et d’accidents dû à un mauvais encadrement et à une embauche téméraire. Et oui, je crois que les entreprises ont aussi un rôle à jouer face à la sécurité routière lorsqu’ils embauchent des conducteurs de poids lourds…

Les meilleurs propriétaires de flotte investissent dans la sécurité, la formation, la prévention, la santé, la technologie, l’entretien de leur flotte et la sensibilisation. Espérons que leurs initiatives aideront le transport à devenir plus sécuritaire et plus attrayant pour les routiers modernes. SVP, soulignons leurs efforts afin que ces transporteurs soient reconnus et qu’ils mettent la barre plus hautes pour les entreprises délinquantes et indifférentes aux routiers et à leur réalité.

Espérons également que ces initiatives aideront les routiers professionnels à enfin être reconnu pour le métier qu’ils exercent, qui compte de nombreuses responsabilités et de nombreux risques, à tous les niveaux.

La sécurité, c’est l’affaire de tous. Mais nombreux sommes-nous à chercher des solutions, avec un sentiment grandissant d’impuissance. Que faire devant ces problèmes qui nous font sentir petits! Une chose est certaine, et je m’adresse aux camionneurs. Nous devons continuer d’être ce que nous sommes, des routiers professionnels en toute circonstance. Continuons à nous adresser aux gens avec courtoisie, démontrons l’exemple sur la route, rassemblons la population à notre cause… J’ai espoir qu’en donnant le meilleur de nous, jour après jour, nous devenons pertinents dans le message que nous transmettons au public. Prenons conscience et prenons possession de notre pouvoir d’influence.

Éditorial de Sophie Jacob
Sophie
Sophie
Sophie Jacob possède une solide expérience et des qualifications notables dans le domaine de l'édition. En tant que rédactrice en chef chez Truck Stop Québec, elle supervise attentivement le contenu éditorial des articles, des actualités et du programme radio. Elle joue également un rôle actif dans la recherche d'informations et la création de contenus pour les réseaux sociaux, ainsi que dans la réalisation de segments radio de qualité.

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