Même si le bilan routier s’améliore au Québec, certains enjeux persistent, notamment en milieu urbain. Les données récentes montrent que les piétons restent les plus touchés dans les collisions impliquant des camions lourds en ville.
Pour plusieurs experts, il ne s’agit pas d’un manque de prudence de la part des conducteurs, mais plutôt d’un défi technique bien réel : la visibilité limitée autour des véhicules.
C’est dans cette optique qu’un comité d’experts québécois propose de s’inspirer du modèle de Londres, où des solutions concrètes ont été mises en place pour améliorer la vision directe des conducteurs de camions lourds.
L’analyse des accidents survenus entre 2012 et 2021 révèle que la majorité des collisions graves ou mortelles impliquant un camion lourd sont liées à une faible visibilité autour du véhicule, surtout lors des virages en ville. Ces angles morts, parfois inévitables en raison de la structure même des camions, rendent difficile la détection de piétons ou de cyclistes à proximité.
Londres : un système d’étoiles pour évaluer la visibilité des camions
Depuis 2019, la Ville de Londres utilise un système de classification de 1 à 5 étoiles pour évaluer la visibilité directe des conducteurs dans les camions. Ce classement tient compte de la configuration de la cabine, des surfaces vitrées et de la position du siège. Plus le véhicule permet au conducteur de bien voir autour de lui, plus sa note est élevée.
Depuis octobre 2024, les règles se sont durcies : seuls les camions lourds ayant obtenu trois étoiles ou plus au système de classification de visibilité peuvent désormais circuler librement dans la ville. Les véhicules ayant une note inférieure peuvent tout de même y accéder, mais uniquement s’ils sont munis d’un Système de sécurité progressive, incluant des capteurs latéraux, des caméras, des avertisseurs sonores lors des virages et d’autres dispositifs conçus pour compenser les zones non visibles autour du camion.
En cas de non-conformité, des amendes allant à plus de 1,000$ sont prévues.
Une réduction des risques démontrée
Dès la première année d’application, le nombre de collisions mortelles liées aux angles morts a chuté de 75% à Londres. Ce résultat montre le potentiel de ces mesures, qui misent avant tout sur la technologie et la conception des véhicules, sans remettre en question le professionnalisme des conducteurs.
Au Québec, un groupe d’experts issus de la recherche, de l’industrie du transport, de la machinerie lourde et d’organismes en sécurité routière travaille à établir une norme locale inspirée de ce modèle. Leur objectif est d’identifier des solutions adaptées à notre réalité, en misant sur des équipements qui facilitent la perception des usagers vulnérables autour des camions.
« Au Québec, ça fait 100 ans qu’on gère les transports en fonction des véhicules à moteur. Il est temps qu’on pense à la sécurité des usagers de la route les plus vulnérables », dit Louis Martin, conseiller en aménagement chez Piétons Québec, au journal Le Devoir.
Certaines innovations sont déjà en essai, comme des rétroviseurs numériques ou des écrans affichant les zones normalement obstruées par les montants du pare-brise. L’idée n’est pas de restreindre l’accès aux camions, mais plutôt de moderniser les équipements pour mieux répondre aux défis du transport en ville.
L’objectif est de rassembler tout le monde autour de cette démarche : les fabricants de camions, les gestionnaires de flotte, les centres de formation, les conducteurs et les autorités. Ce que les experts souhaitent avant tout, c’est que les camionneurs aient les bons outils pour faire leur travail de façon sécuritaire, tout en réduisant les risques pour les piétons et les cyclistes.
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