IMG_8973La question des pénuries de main-d’œuvre  n’est pas de celles auxquelles on peut répondre facilement. En fait, le concept même ne fait pas l’unanimité. La mesure en soi pose un problème puisque les  données, lorsqu’elles sont disponibles et fiables, sont influencées par d’autres facteurs. La perception différente qu’en ont les différents acteurs vient aussi  teinter la lecture que l’on peut en faire du phénomène. De façon générale, les analyses s’entendent pour dire que les pénuries, lorsqu’elles apparaissent sont rares, très localisées et de courte durée. Sur le plan économique, une pénurie de main-d’œuvre est  une situation de déséquilibre du marché du travail, du fait qu’il n’y ait pas assez de travailleur pour  combler le nombre de postes vacants qui engendrent ainsi des pertes de production à l’entreprise. Il faut toutefois tenir compte que la rémunération offerte et les autres conditions de travail correspondent à celle du marché.

Une pénurie de main-d’œuvre peut s’observer momentanément dans une profession, mais c’est un phénomène qui perdure rarement. De manière générale, on peut reconnaître une situation de pénurie pour une profession donnée (et dans une région donnée) lorsque sont présent de façon simultané les signaux suivants :

– Une forte croissance de l’emploi – Un très faible taux de chômage – Difficulté de recrutement – Croissance importante des salaires – Une absence ou insuffisance de relève (par exemple, des finissants)

Dans l’industrie du transport, nous savons qu’il y a rareté à trouver des chauffeurs et ça commence aussi  à se remarquer au niveau des postes cadres. Le transport recrute avec peine et se rapproche des finissants  des  DEP  pour embaucher dès la fin des études.

Bref, on constate que même  chez  ceux qui parlent de pénurie, l’appréciation diffère quant au moment où elle se manifestera. Il n’est pas étonnant que le message soit diffus. Chacun cherche à tirer la couverture sur son secteur d’activité pour solliciter des candidatures ou pour orienter le choix des étudiants quant à leur carrière. On convient alors qu’il est davantage question de difficulté de recrutement que de rareté de main-d’œuvre. Personne n’a le courage de se retrousser les manches et de faire différemment. Que ce soit des portes ouvertes, des journées de l’emploi ou des présentations dans les écoles, écoutez le discours et regardez qui la diffuse, le problème est là. Pour que ça fonctionne vos valeurs personnelles doivent être les mêmes que ceux de l’entreprise que vous représenté.  Maintenant, quels sont les valeurs des entreprises de transport? La question commence à jouer là où ça fait mal, et c’est compréhensible, il suffit d’appeler pour faire application et la raison de la pénurie commence là. L’industrie du transport n’est pas en manque de main-d’œuvre, elle est en manque de savoir vivre.

Si des solutions ou des nouvelles façons de faire ne sont pas apportées,  2020 risques de faire mal. La pénurie éventuelle aura  des effets importants. En fait, l’expansion des entreprises pourraient être menacée faute de travailleurs. La délocalisation de la production vers l’étranger pourrait s’accroître. Cette dynamique limiterait la vitesse de croissance de notre économie. Je ne connais aucun chef d’entreprise qui aime laisser aller un contrat.

À la recherche de solutions, le marché du travail est limité dans le secteur du transport. Même si plusieurs compagnies ont baissé les critères d’admission, il reste quand même que nous sommes le domaine le plus règlementé et testé d’Amérique  après  les pilotes d’avion.  Alors l’industrie se tourne du côté des établissements d’enseignement, qui donnent un DEP en 615h. On travaille également  à valoriser le métier  de conducteur de camion.

D’autres entreprises choisissent d’aller chercher de la main-d’œuvre immigrante sur une base à long terme. Ce n’est pas une exclusivité de ce seul secteur, l’agriculture utilise des travailleurs étrangers depuis plusieurs années. La formation continue en entreprise est un autre outil évoqué par l’ensemble de l’industrie. On tente de combler les besoins avec les ressources déjà à l’emploi dans l’entreprise. À cette panoplie d’idées s’ajoute l’adaptation des conditions de travail pour retenir les travailleurs d’expérience plus longtemps dans le domaine. D’autres croient qu’une partie de la solution réside sur une sélection des immigrants rattaché au transport.

Il reste le point chaud que certains proposent soit la réintégration des chômeurs, des assistés sociaux et des cas de CSST sur le marché du travail. Depuis plusieurs années, les différents intervenants utilisent les canaux d’information pour faire connaître les possibilités d’emploi : centre local d’emploi, internet, agence de placement privé, foire de l’emploi, etc. Bref, tous les moyens sont mis en œuvre pour dénicher la perle rare.

Chaque entreprise de transport même si elle semble différente en aspect, reste carrément semblable dans leurs façons de faire. Copier collé et s’enlisent dans la procédure et la paperasse, afin  de briser le cycle embauche- mise à pied. Toutefois il y a un moyen c’est l’accroissement de la productivité et très peu sont en mesure de dire ce que c’est et surtout comment y arriver. On a souvent une vision réductrice des solutions qui peuvent faire la différence. Elle passe par d’autres méthodes qui vont de la simplification des protocoles, de la paperasse, à la révision des méthodes de travail et à l’utilisation optimale de l’informatique. Tout se résume par une simple question, êtes-vous allé au maximum de vos compétences pour simplifier le processus d’embauche?  Avez-vous mis l’effort pour encadrer les nouveaux travailleurs? Il faut reconnaître que certains employeurs éprouvent de réelles difficultés à embaucher.

L’impact sur l’image de l’entreprise : Les départs massifs ont un impact majeur sur l’image d’une entreprise. Un taux élevé peut créer des doutes sur la santé de l’organisation. Ça joue sur la perception des employés et des futurs chauffeurs. C’est encore plus virulent aujourd’hui puisque les gens annoncent les changements d’emplois sur les réseaux sociaux. Par exemple, 900 personnes sur Facebook peuvent être au courant d’une démission et d’un nouveau travail en une minute.

Avant, les entreprises pouvaient mieux gérer les informations reliées aux départs et aux arrivées. Maintenant, les travailleurs contrôlent le message.  Les employeurs doivent donc tenter de pallier à la situation en faisant valoir leurs réussites et en peaufinant leur image de marque et en mettant l’emphase sur les valeurs de l’entreprise. Présentement on est bien loin de ça.

Même si plusieurs entreprises de transport font des entrevues de départ, il est souvent très difficile d’obtenir les vraies réponses des chauffeurs démissionnaires. (Ils veulent protéger leur futur professionnel, entretenir leur réseau et avoir de bonnes références. La plupart d’entre eux ne font pas  l’effort de dire la vérité mais d’autres sont simplement passé à autre chose et ne ressentent pas le besoin de parler de leurs motivations). L’explication la plus couramment donnée est qu’ils ont reçu une meilleure offre ailleurs. Mais pour se laisser séduire par une entreprise concurrente, ça prend une raison. Si on est satisfait et engagé face à notre compagnie de transport, on ne tendras pas l’oreille aux offres. Dans le contexte où on pose la même question venant d’une personne neutre, dans l’anonymat d’un truck stop. La majorité mentionnerait un problème avec le supérieur immédiat, que ce soit un manque d’atomes crochus ou de respect. En tout état de cause la rétention commence quand le propriétaire de l’entreprise se joint au meeting des opérations et qu’il annonce que pour chaque départ il veut voir le chauffeur, le répartiteur et le directeur des opérations impliqué dans le départ du candidat. Si le propriétaire est obligé de se mêler de problème de personnel, il est possible qu’il s’en occupe, mais  pas nécessairement comme vous l’auriez souhaité.

Raymond Bureau Réf : Centre sur la productivité et la prospérité : Bernard Defoy 2009 Institute of economic  Boston Rick Sthall 2010 Institut des statistiques du Québec: Perspective démographique 2006 Journal les affaires juin 2009