La semaine dernière, un mémoire a été déposé à l’Assemblée nationale dans le cadre du Projet de Loi 81, qui vise à accélérer la décarbonation du camionnage.
Ce document, transmis par EBI Énergie, souligne les inquiétudes de l’industrie face aux mesures prévues par le gouvernement, notamment l’obligation de passer aux camions « zéro émission ».
Une transition forcée vers l’électrique
Le gouvernement du Québec propose une approche stricte qui restreindrait le choix des transporteurs aux camions électriques à batteries ou à pile à hydrogène. Si la réduction des émissions de GES est un objectif essentiel, le mémoire met en garde contre une vision trop rigide et coûteuse qui pourrait fragiliser l’industrie du camionnage et alourdir la facture des contribuables.
Un coût élevé pour les transporteurs et la société
Le mémoire présente des chiffres frappants :
- Un camion électrique à batteries coûte environ 300 000$ de plus qu’un camion au gaz naturel comprimé;
- Un camion à pile à hydrogène pourrait coûter 600 000$ de plus, bien que cette technologie ne soit pas encore disponible sur le marché;
- Les camions zéro émission présentent une autonomie et une masse totale en charge réduites;
- Les infrastructures publiques de recharge pour ces véhicules sont quasi inexistantes au Québec, etc.
Ces coûts se répercuteraient directement sur les consommateurs, augmentant le prix des biens transportés. De plus, la capacité de charge des camions électriques est inférieure à celle des véhicules diesel ou au gaz, ce qui pourrait obliger les entreprises à multiplier les trajets et donc à revoir leur logistique.
L’importance du gaz naturel comprimé (GNC) dans l’industrie du camionnage
Le mémoire souligne que le gaz naturel comprimé (GNC) est une technologie mature qui offre une alternative immédiate et viable aux solutions entièrement électriques. Présent dans le secteur du camionnage québécois depuis 2012, il a su évoluer et s’imposer comme un choix stratégique en Amérique du Nord, notamment grâce aux développements récents comme le moteur Cummins X15N.
Les infrastructures de ravitaillement pour le GNC continuent de croître, avec 37 stations publiques au Canada, dont 9 au Québec (bientôt 10 en 2025). En comparaison, le gaz naturel liquéfié (GNL) ne compte plus que 30 stations en Amérique du Nord, ce qui démontre une adoption beaucoup plus faible. Malgré une population huit fois plus grande que le Canada, les États-Unis comptent 30 fois plus de stations publiques de GNC, mettant en évidence un retard au Québec en matière de déploiement de cette énergie alternative.
Les incitatifs et les investissements privés
Plusieurs grands transporteurs nord-américains, dont UPS, FedEx, Amazon et PepsiCo, ont adopté le GNC comme alternative pour leurs flottes. Amazon, par exemple, a ajouté 1 000 nouveaux camions au GNC entre 2021 et 2022, illustrant une tendance vers cette technologie éprouvée. Toutefois, au Québec, le développement du marché reste plus lent, faute d’incitatifs financiers comparables à ceux offerts aux États-Unis.
Favoriser une approche plus flexible et inclusive
EBI Énergie propose une alternative plus pragmatique :
- Établir des objectifs graduels de décarbonation au lieu d’imposer une seule technologie.
- Permettre aux transporteurs de choisir la meilleure solution selon leur réalité, qu’il s’agisse de gaz naturel renouvelable, d’électrification ou d’autres innovations.
- Valoriser la diversification énergétique, notamment le gaz naturel renouvelable, qui est déjà disponible et permet une réduction immédiate des émissions de CO2.
Le mémoire rappelle que l’industrie du camionnage doit s’adapter aux contraintes du marché nord-américain. Contrairement aux véhicules légers, les camions lourds opèrent sur de longues distances, dans des conditions climatiques variées et avec des charges importantes. Une approche trop rigide pourrait nuire à la compétitivité des transporteurs québécois face à leurs homologues américains.
Un impact sur l’emploi et la formation
Outre les coûts directs, le mémoire souligne les conséquences potentielles sur la formation et l’emploi dans le secteur. Actuellement, aucun programme de formation professionnelle pour mécaniciens ou chauffeurs ne couvre spécifiquement l’entretien et l’exploitation des camions lourds électriques ou à hydrogène. Les concessionnaires devraient investir massivement pour adapter leurs infrastructures et former leur personnel, ce qui pourrait ralentir la transition et générer des pertes d’emplois.
Un dialogue essentiel pour un avenir durable
Le mémoire invite le gouvernement à réévaluer son approche et à consulter davantage les acteurs du milieu. L’objectif commun est clair : réduire les émissions de GES et moderniser l’industrie du transport. Toutefois, une transition équilibrée, tenant compte des réalités économiques et techniques, est essentielle pour éviter des effets négatifs sur la chaîne logistique et l’économie du Québec.
Le mémoire a été rédigé par Richard Prévost et Laurie Deveault, puis vérifié par Olivier Sylvestre, tous trois représentants d’EBI Énergie. Restez à l’affût, Richard sera bientôt sur les ondes de Truck Stop Québec pour aborder le sujet!