Aux États-Unis, l’industrie essentielle du transport routier est depuis plusieurs années aux prises avec un défi de taille, celui-là même que nous rencontrons au Québec : la pénurie persistante de camionneurs. Souvent attribuée à une simple carence de main-d’œuvre, cette crise pourrait, en réalité, être le résultat de pratiques systémiques de maltraitance ou de sous-estimation de ses chauffeurs. Un problème particulièrement épineux est la “détention” des camionneurs sur les sites de chargement, où ils passent de nombreuses heures sans toujours être rémunérés. Cette situation illustre une tendance plus large à la dévalorisation des conducteurs, préjudiciable à l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement.
Dans ce contexte, le Congrès américain a récemment proposé une réforme législative d’importance. En modifiant la Fair Labor Standards Act de 1938, ce projet de loi vise à assurer la rémunération des heures supplémentaires pour les chauffeurs routiers salariés. Si adoptée, cette mesure abolirait une exemption de longue date et renforcerait les droits des camionneurs. Cette initiative, appuyée par le Département des Transports (DOT) et par une majorité de chauffeurs, selon une enquête de 2020, pourrait, en augmentant la pression sur les expéditeurs et les réceptionnaires pour une manutention plus rapide des camions, contribuer à résoudre la pénurie de chauffeurs et à augmenter significativement leurs salaires.
Cependant, comme tout changement réglementaire, cette proposition pourrait entraîner des bénéfices, des coûts et des conséquences imprévues. Le débat actuel se concentre sur l’impact potentiel de cette mesure sur les conducteurs, les propriétaires-exploitants, les entreprises de transport et le grand public. Elle suscite également des controverses, en particulier de la part de l’American Trucking Associations, qui redoute une baisse des salaires et une menace pour l’emploi. D’autres considèrent cette exemption comme obsolète, en particulier depuis l’introduction des dispositifs de journalisation électronique qui surveillent les heures de service des conducteurs.
Bien que les versions antérieures de ce projet de loi n’aient pas été adoptées lors du dernier Congrès, l’initiative de jeudi dernier a recueilli le soutien bipartisan le plus important à ce jour. Ce débat législatif met en lumière les efforts en cours pour adresser les problèmes structurels du secteur du transport routier américain, soulevant des questions cruciales sur l’équilibre entre la protection des travailleurs et la viabilité économique de l’industrie, un équilibre vital pour l’avenir du transport routier aux États-Unis.
« Les camionneurs américains sont en première ligne de notre économie, endurant de longues heures loin de chez eux, et bien trop souvent, des temps d’attente non rémunérés dans les ports et entrepôts congestionnés », a déclaré le Sénateur Alex Padilla. « Cela est dû au fait que, depuis des décennies, les camionneurs sont exclus des protections de paiement des heures supplémentaires. Si les camionneurs sont contraints d’attendre pendant leur service, ils devraient être payés. Il ne s’agit pas seulement d’une question d’équité ; c’est une question de sécurité publique. Les camionneurs expérimentés sont plus sécuritaires, et une meilleure rémunération aidera davantage d’entre eux à rester dans la profession. Il est temps que nous garantissions les heures supplémentaires pour les camionneurs. »
