L’industrie du transport routier, traditionnellement dominée par les hommes, a pris un tournant progressiste, ouvrant la route à une présence féminine renforcée et sécurisée. Les entreprises du secteur ont ajusté leur cap vers l’inclusion, établissant des politiques qui élèvent les droits et la sécurité au rang de normes incontournables.
Toutefois, même sur cette ‘autoroute modernisée’, des nids-de-poule persistent! Malgré des progrès significatifs dans les conditions de travail pour les femmes dans le camionnage et la bienveillance générale de leurs confrères masculins, des incidents isolés de harcèlement et de violence émergent encore, rappelant l’importance de la vigilance et de l’amélioration continue des conditions de travail.
Les récits de camionneuses comme Christina*, de CRST, qui a fait preuve d’un courage remarquable en rapportant une agression sexuelle par un collègue, sont cruciaux pour la sensibilisation et l’incitation à l’action. Même si elle aurait été découragée par son employeur de signaler l’incident, Christina a tout de même choisi de le dénoncer aux autorités, soulignant l’impératif de soutenir les victimes et de prendre au sérieux chaque témoignage.
Andrea Baran de l’Equal Employment Opportunity Commission (EEOC) recommande que les dirigeants d’entreprises adoptent une position ferme, avec des politiques et un encadrement qui ne laissent aucune place au harcèlement et à la discrimination, et que l’information soit régulièrement diffusée aux employés. Encourager un environnement de travail respectueux et civil, en allant au-delà de la simple interdiction des comportements illégaux, contribue à créer un espace de travail plus sain. Dès leur intégration, les conducteurs doivent être informés de la politique de tolérance zéro de l’entreprise et formés sur des procédures de signalement des incidents.
Au Québec, où un cadre social favorisant la sécurité est solidement ancré, de nombreuses entreprises s’efforcent de créer des lieux de travail sûrs et équitables. Toutefois, les défis subsistent, notamment une communication insuffisante des politiques de prévention du harcèlement, signalée par plus de la moitié des camionneuses. En 2019, la gestion informelle des incidents restait même une pratique répandue dans l’industrie!
Un rapport prévu pour 2025, bien que ses conclusions restent incertaines, laisse entrevoir un constat sombre si aucune amélioration majeure n’est réalisée. Selon les données actuelles, la CNESST traite en moyenne 3744 cas de harcèlement annuellement en vertu de la Loi sur les normes du travail au Québec (tous secteurs confondus). Les lésions professionnelles dues au harcèlement ont quant à elles grimpé de 57 en 2017 à 277 en 2021, marquant une augmentation de près de 400 %. Ces chiffres, ne tenant pas compte des plaintes traitées en interne par les employeurs et les syndicats, ne représentent qu’une fraction de la réalité, suggérant une prévalence encore plus grande du problème.
Dans le but d’évaluer la prévalence du harcèlement dans le secteur, The Trucking Network a initié fin 2021 une enquête auprès de 437 conductrices professionnelles américaines. Interrogées sur la sécurité de l’industrie du camionnage pour les femmes, 54 % se sont déclarées confiantes, contre 18 % exprimant des réserves. Parallèlement, une étude menée par l’Université du Kentucky révèle que plus de 90 % des conductrices ont subi au moins un épisode de harcèlement sexuel durant leur carrière.
La question de la formation dispensée par des formateurs de sexe opposé a été soulevée comme un point d’inquiétude. Une majorité (52 %) estime qu’une politique favorisant des formateurs du même sexe stimulerait l’intérêt des femmes pour la profession de conductrice, une opinion que seulement 9 % contestent.
Il est indéniable que les camionneuses sont confrontées à des épreuves ardues, exacerbées par les réalités de la route. En parcourant les axes routiers nord-américains, elles rencontrent d’autres défis pouvant être particulièrement aigus dans les aires de repos et les truck stops, des lieux où la vigilance doit être de mise. Voici des recommandations pratiques et éprouvées par nos camionneurs et camionneuses pour renforcer la sécurité personnelle sur la route :
- Toujours avoir un téléphone portable chargé à portée de main.
- En cas de préoccupation, rester en communication avec une personne de confiance.
- Signaler sans délai tout harcèlement, agression ou intimidation.
- Rester visible et éviter les zones isolées ou mal éclairées.
- Se stationner près des sources de lumière et des installations de services.
- Adopter une posture confiante pour dissuader les prédateurs potentiels.
- Faire confiance à son intuition pour anticiper les dangers.
- Envisager l’utilisation d’une toilette chimique pour éviter de sortir la nuit.
- Opter pour des vêtements discrets si cela apporte un confort supplémentaire.
- Fermer les rideaux et éviter d’allumer les lumières intérieures avant d’avoir obtenu de l’intimité.
- Sécuriser la porte avec des moyens improvisés, tels que la ceinture de sécurité.
- Éviter de se montrer dans l’aire de repos où l’on passe la nuit.
- Porter sur soi des équipements de sécurité (sifflet, lampe de poche puissante, etc.) et privilégier des aires de repos réputées sécurisées.
- Se renseigner sur les co-conducteurs ou les formateurs avant de commencer un voyage.
Ces mesures, adaptées à chaque situation individuelle, visent à intégrer la sécurité dans la routine quotidienne des conducteurs et conductrices.
Le harcèlement et les agressions ne se limitent pas aux femmes ; toute personne perçue comme vulnérable peut être ciblée, que ce soit en raison de leur âge, de leur taille, de leur orientation sexuelle ou identitaire, de leur handicap ou de leur appartenance ethnique. Robin Runge du Conseil d’Administration de la Coalition contre la Violence Domestique rappelle que les agressions surviennent souvent dans des contextes où prévaut déjà le harcèlement, qu’il soit racial, basé sur l’origine nationale ou le handicap.
« Nous reconnaissons que les individus ont plusieurs identités. Avoir des politiques et procédures solides pour les aborder de manière collective, et non individuelle, est un signe de force et d’efficacité. » – Robin Runge
Vous pensez être victime d’harcèlement? Consultez sans tarder l’aide-mémoire de Camo-Route (Conductrices de camions : Objectif 10%) à cet effet.
*Pour protéger la vie privée et la confidentialité de nos camionneuses, nous avons choisi de ne pas faire allusion à leurs expériences personnelles, préférant partager une histoire qui a déjà été rendue publique.
