Le transport en équipe, ou double équipage, est sans doute l’un des aspects les plus passionnants du monde du camionnage. Du moins, du point de vue de ceux qui l’ont fait et qui en ont eu une expérience positive! Cependant, il arrive que certaines équipes fassent face à des défis inattendus, et il est temps d’aborder l’éléphant dans la pièce.
Lorsque les camionneurs se lancent dans des trajets en équipe, ils partagent le volant, parcourant des milliers de kilomètres pour vaincre le temps et la distance. Cette méthode, particulièrement prisée pour le transport de denrées périssables sur de longues distances, permet d’optimiser les délais de livraison. Dans cet univers, de nombreux camionneurs, qu’ils soient hommes ou femmes, travaillent en duo, parfois en couple, fusionnant vie personnelle et professionnelle sur les routes. Pour certains, la présence d’un collègue, et en particulier d’un homme pour certaines femmes, représente une source de sécurité. Cette compagnie peut être particulièrement rassurante, surtout dans des lieux isolés ou peu accueillants, tels que certains relais routiers ou points de cueillette et de livraison “douteux”!
Cependant, que se produit-il lorsque cette figure de protection change de visage? Quand la cohabitation dans l’environnement confiné du camion entre un homme et une femme engendre des tensions sexuelles qui ne sont pas mutuelles? Et que se passe-t-il lorsque des conflits éclatent entre collègues et que la communication devient difficile, voire impossible? Ces situations, bien que peu discutées, sont empreintes de complexité et peuvent s’avérer déstabilisantes pour certains camionneurs et camionneuses. Et dans certains cas, traumatisantes.
Le harcèlement en camion
Dans ce contexte professionnel particulier, certaines femmes ont fait état de rencontres troublantes avec des comportements inappropriés, des avances non désirées, et parfois même des actes plus graves de la part de leurs coéquipiers masculins. Les témoignages révèlent une gamme d’expériences : tandis que certaines ont réussi à repousser fermement ces avances, pour d’autres, les répercussions ont été plus lourdes et plus durables. Harcèlement, gestes inadéquats, propos irrespectueux, agressions sexuelles… Les situations de malentendus, où des hommes, interprétant mal des comportements comme des invitations, franchissent des limites inappropriées. Parfois, c’est le simple manque de respect qui guide ces actions déplacées, par des hommes qui n’ont aucune considération de la femme. Lors de la remontée de ces incidents, l’absence de preuves concrètes peut limiter les mesures disciplinaires, permettant à des individus aux comportements prédateurs de continuer à travailler en équipe.
Il est également essentiel d’aborder l’autre facette de cette problématique : les cas où certaines femmes peuvent intentionnellement nuire à la réputation d’un collègue masculin. Motivées par diverses raisons, personnelles ou malveillantes, ces femmes s’engagent dans des actions visant à discréditer l’image, la carrière ou la réputation de leurs coéquipiers. Quelle que soit la motivation, ces actes sont tout aussi répréhensibles, car ils érodent la confiance et compromettent la sécurité au sein de l’environnement de travail.
Ces dynamiques de harcèlement, qu’elles soient perpétrées par des hommes ou des femmes, soulignent la nécessité d’une vigilance accrue et d’une politique de tolérance zéro dans le secteur du camionnage. Ils rappellent aussi l’importance de créer des espaces de travail où le respect mutuel et la sécurité sont primordiaux.
Prévention et communication
Dans la cabine du camion, où la proximité et les longues heures de route sont une norme, il est primordial pour les camionneurs, hommes et femmes, de prendre des mesures proactives pour prévenir les situations délicates ou dangereuses. S’informer sur un futur partenaire de route est un pas essentiel : il est conseillé de dialoguer avec des collègues ayant précédemment collaboré avec cette personne, d’instaurer des attentes claires quant au professionnalisme dans le camion et de s’enquérir des politiques de l’entreprise. Ces démarches, loin d’être superflues, sont des droits fondamentaux pour garantir votre sécurité et votre confort. Un appel téléphonique préalable avec votre futur partenaire peut également s’avérer révélateur et rassurant. Faites des recherches et prenez le pouls!
Si vous ressentez une quelconque réticence à l’idée de partager votre espace de travail avec la personne assignée, il est parfois préférable d’exprimer ses réserves, malgré les éventuels retards ou complications que cela pourrait engendrer. Mieux vaut manquer un voyage et en assumer les conséquences que de partir avec des appréhensions, subir de l’anxiété en cours de route, ou se retrouver à devoir rentrer chez soi de manière imprévue, ou par ses propres moyens à la suite d’un événement grave. Si ce mode de transport vous cause trop d’inquiétudes, envisagez peut-être la conduite en solo, malgré les inconvénients que cela peut représenter pour vous. La conduite en équipe est un mode de camionnage extraordinaire, mais il n’est pas fait pour tout le monde!
Quand votre partenaire vous intéresse
Il arrive que des sentiments personnels se développent envers un collègue. Dans de telles circonstances, il est préférable d’aborder le sujet en dehors du contexte du camion pour préserver un environnement de travail sain et exempt de pression. Discutez de vos sentiments dans un cadre neutre, après le voyage, pour éviter de placer votre partenaire dans une position inconfortable, surtout lorsqu’on est loin de tout repère familier.
Il est également crucial de reconnaître la difficulté que peuvent éprouver certaines personnes à refuser des avances ou à exprimer leur désaccord dans des contextes de flirt. Ces hésitations, souvent ancrées dans des expériences passées, peuvent involontairement mener à l’acceptation de situations indésirables. Face à une anxiété intense, les personnes ayant subi des traumatismes peuvent se retrouver paralysées ou donner l’impression de se soumettre, alors qu’en réalité, elles sont en état de survie psychologique. Il est donc essentiel d’adopter une attitude respectueuse, de communiquer efficacement et de veiller à ne pas placer l’autre dans une position inconfortable dans le camion.
La mise en place de formations en développement personnel et l’accès à des thérapies peuvent s’avérer être des ressources inestimables pour ceux qui, à cause de vulnérabilités ou de traumatismes passés, cherchent à renforcer leur capacité à gérer efficacement ce type de situation, qui est malheureusement plus commun qu’on ne peut l’imaginer.
Dénoncer les comportements inadéquats
Face à toute forme d’agression ou de comportement inapproprié, physique ou psychologique, la réaction la plus appropriée est la dénonciation. Il est essentiel d’informer l’employeur et, en fonction de la gravité de la situation, de contacter les autorités compétentes. La tolérance zéro face à la violence est un principe fondamental à maintenir. Même si les incidents d’agression ou de harcèlement sont relativement rares dans le secteur du camionnage, la nature même de ce métier, caractérisée par un espace partagé et confiné sur de longues périodes, peut accentuer les difficultés à se soustraire à ces situations pour les personnes qui s’y trouvent piégées.
En dénonçant un comportement inapproprié, même si aucune action grave n’a été commise, vous incitez votre employeur à une vigilance accrue vis-à-vis de cette personne. Cette démarche peut prévenir l’envoi dudit individu sur la route avec un collègue potentiellement plus vulnérable. Si des rapports similaires se répètent, il devient alors nécessaire pour l’employeur de prendre des mesures concrètes, allant de la sensibilisation à la modification du comportement du collaborateur concerné, voire jusqu’à son congédiement en cas de fautes graves. Vous pouvez dénoncer par écrit, laissez des traces. Si cela vous met trop mal à l’aise, ou que vous avez peur, tournez-vous vers une personne de confiance et demandez-lui son aide pour le faire.
La dénonciation n’est pas seulement un acte en faveur de sa propre sécurité, mais elle contribue également à la protection de l’ensemble de la communauté des camionneurs. Chaque témoignage a le pouvoir d’initier un changement positif et de renforcer un environnement de travail plus sûr et respectueux pour tous.
Quand un conflit éclate
La gestion des conflits est un enjeu crucial dans le milieu du camionnage en équipe, où les interactions ne se limitent pas aux dynamiques homme-femme. Des tensions peuvent surgir entre partenaires de même sexe, qu’il s’agisse de deux hommes ou de deux femmes. Dans l’environnement confiné et isolé d’un camion, lorsque la communication se rompt et que les conflits s’intensifient, la situation peut rapidement devenir tendue et problématique.
Ces circonstances, où manque une communication constructive, nécessitent une maîtrise adéquate des émotions et une gestion efficace des désaccords. Savoir communiquer calmement et résoudre les conflits de manière productive est vital pour préserver une ambiance de travail harmonieuse et sécurisée. Les compétences en résolution de conflits sont d’autant plus essentielles dans un espace restreint comme celui d’un camion, où les partenaires passent de longues heures ensemble. Elles ne sont pas seulement un atout, mais une nécessité pour garantir le bien-être et la sécurité de tous.
Le rôle des employeurs
Les entreprises de transport ont un rôle crucial à jouer dans la prévention et la gestion des conflits au sein de leur équipe. En organisant des ateliers de communication et de gestion des conflits, même de courte durée, elles pourraient apporter une contribution significative à la réduction des tensions et à la promotion d’un milieu de travail plus harmonieux et respectueux!
En cas de conflit, il est essentiel de contacter une personne-ressource au sein de l’entreprise. Ces professionnels peuvent aider à désamorcer la situation, autoriser des actions spécifiques ou orienter vers des ressources externes si nécessaire. Dans certains cas, si la situation est trop tendue et risque d’éclater à tout moment, votre employeur pourrait exceptionnellement autoriser un autre camion dans le même secteur que vous à vous rencontrer, et séparer les membres de l’équipe afin de les ramener à la maison dans des camions différents.
Si vous êtes confronté à une situation grave, quand la violence éclate, et que vous ne parvenez pas à obtenir le soutien de votre employeur, il peut être judicieux de contacter les autorités compétentes. Heureusement, au Québec, nous avons beaucoup de bonnes entreprises qui misent sur le bien-être et la sécurité de leurs camionneurs, protégeant ce milieu de travail et le plaisir de travailler en équipe! Quand vous cherchez un emploi en équipe, demandez à votre employeur potentiel sa philosophie quant à votre sécurité dans le camion, s’il fait de la prévention et comment il réagit en situation de crise.
La résolution efficace des conflits est aussi cruciale que les mesures de prévention contre les agressions ou les comportements inappropriés. Ces compétences sont indispensables pour assurer non seulement la sécurité, mais aussi le bien-être psychologique et émotionnel des camionneurs. Si un individu montre une incapacité à communiquer calmement et respectueusement, s’il est prompt à l’irritation ou manque de patience, il pourrait être plus judicieux pour lui d’envisager un transport en solo, mieux adapté à son tempérament et à son épanouissement personnel. Parfois, un camionneur habitué au travail en équipe peut également ressentir le besoin de prendre un congé pour se reposer et regagner en énergie, surtout si le manque de sommeil commence à affecter sa patience et sa capacité à gérer les situations stressantes.
Le merveilleux monde du transport en équipe
Le transport en équipe offre une aventure extraordinaire, où de nombreux couples, partenaires, amis et collègues s’épanouissent en parcourant de longues distances à travers le Canada et les États-Unis. La possibilité de partager la route avec quelqu’un d’autre, de briser l’isolement et, souvent, de trouver un plaisir immense dans le travail, peut se révéler être une expérience enrichissante et unique dans l’univers du camionnage.
Cependant, il est essentiel de se rappeler que les situations critiques, bien qu’elles ne surviennent que dans une très minuscule proportion de cas, ne doivent pas être ignorées. Un simple cas est un cas de trop! Il est important d’en parler et, surtout, de prendre des mesures préventives. Discuter ouvertement, ne pas hésiter à porter plainte ou à dénoncer les comportements inappropriés, sont des étapes cruciales pour votre bien-être, pour reprendre votre pouvoir personnel et pour protéger les futurs coéquipiers des personnes concernées. Dans le cas d’une agression, dénoncer peut s’avérer une étape importante vers le rétablissement.
Dans ce monde fascinant du transport en équipe, chaque camionneur a le potentiel de vivre des expériences positives et gratifiantes. En restant vigilant, en communiquant efficacement et en étant prêt à agir en cas de problèmes, chacun peut contribuer à maintenir ce milieu de travail comme un lieu sûr, respectueux et agréable pour tous.
Quelques ressources utiles :
- Éducaloi – Le harcèlement au travail
- Juripop – Que faire en cas d’harcèlement ou violence sexuelle
- Gouvernement du Canada – Déposer une plainte
- CNESST – Dépôt de plaintes
Éditorial de Sophie Jacob
